Salut salut,
Je suis en pleine lecture des Besoins artificiels, ce qui me faire voir le monde entier au prisme de la superficialité. Mais promis, ça ne durera pas trop longtemps, l’essai de Razmig Keucheyan est assez rapide à lire. Néanmoins. Parlons 5G. Avons-nous besoin de la 5G ? Avons-nous besoin de plus de rapidité dans nos échanges ?
Avant de (ne pas) trancher cette question, il faut peut-être que je vous rappelle quelques petites choses. La 5G est la cinquième génération de standards de téléphonie mobile. Elle doit permettre un débit bien plus fort, des temps de latence réduits, et supporter la connexion simultanée d’un beaucoup plus grand nombre d’appareils qu’aujourd’hui. Elle s’envisage, surtout, comme une technologie de rupture : le but n’est pas tant de pouvoir télécharger des films en 4K sur son smartphone - même si c’est bien l’un des progrès qu’elle permettra - que de pouvoir y connecter toute sortes de choses, de votre frigo à votre voiture en passant par quantité d’objets industriels.
L’Autorité de régulation des communication et des postes (Arcep) a publié un rapport en 2017 sur les enjeux de la 5G, et un schéma qui permet de saisir rapidement ce que celle-ci doit permettre :
Si l’on en revient maintenant à la question des besoins, je peux de toute façon vous la poser autant que je veux, la 5G est clairement en route : en France, l’attribution de fréquences doit être effective en juin (début des enchères à 2,17 milliards d’euro), et les premières offres commerciales lancées en juillet 2020.
Cela dit, cette évolution dans notre manière de communiquer soulève (au moins) trois gros sujets : celui de la santé, d’abord, la nocivité des ondes millimétriques étant ardemment discutée. Celui de la sécurité, ensuite : s’il y a plus de communications et plus d’objets connectés, alors il y aura plus de données collectées. En avons-nous vraiment besoin ? Et ces données seront-elles sécurisées ? La question se pose notamment au moment où les opérateurs télécoms doivent choisir leur équipementier : en pleine lutte ouverte entre les Etats-Unis et la Chine, Huawei est par exemple accusé de présenter des risques d’espionnage.
Et puis il y a la question environnementale. Dans une interview accordée au Monde, le président de l’Arcep Sébastien Soriano évoque les deux thèses qui s’affrontent : celle qui estime que la 5G poussera à une consommation énergétique croissante (Novethic parle de désastre écologique), ne serait-ce que parce qu’elle permet de multiplier les usages. Et celle qui, au contraire, considère que l’architecture même de la 5G permet un usage plus efficient de l’énergie. Sébastien Soriano propose, aussi, une collecte systématique de la consommation énergétique des télécoms pour établir un bilan annuel. Il appelle, enfin, à plus de régulation, aussi bien dans les réseaux que dans les terminaux, auxquels l’Arcep souhaiterait étendre la neutralité du net.
Tout cela ne résout pas notre question. A-t-on besoin de la 5G ? Pas sûre, mais ne pas l’adopter briderait très sérieusement l’innovation : nous voilà en plein dans le débat favori de la start-up nation. Pas sûre, non plus, que j’en aurai besoin dans mes usages quotidiens, mais le paradoxe étant une des beautés de l’humanité, je ne doute pas que je m’habituerai très vite à cette nouvelle rapidité. Et puis finalement, pas sûre que les consommateurs d’hier se demandaient toujours s’ils avaient besoin de telle ou telle innovation. Mais à l’heure de l’urgence climatique, ne faudrait-il pas inclure cette question plus en amont dans nos réflexions ?
Bref. Sébastien Soriano signale qu’en juin, une conférence devrait être ouverte pour “débattre des enjeux sociétaux posés par les réseaux”. Peut-être que le mieux est que l’on s’y retrouve ?
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💻 En ce moment, sur l’IA, les plateformes, et nous, je lis :
La cybercriminalité organisée est l’une des plus grande menaces de demain, juge le patron de l’ANSSI Guillaume Poupard. Il en profite pour alerter sur le caractère critique des réseaux télécoms et sur les risques qu’ajoute le passage à la 5G. (Les Echos)
Clearview est une petite start-up américaine au business bien particulier : elle aide la police américaine à identifier suspects ou témoins à partir d’une simple photo. Comment ? En se basant, “tout simplement”, sur toutes les photos disponibles en ligne, via Facebook, LinkedIn, Instagram, etc. Ce qui ne l’empêche pas de se vendre grâce à un argumentaire (“nous avons trouvé tel terroriste en quelques secondes en août 2019”) que la police new-yorkaise déclare faux. (New-York Times, Buzzfeed)
Le smartphone de Jeff Bezos, le boss d’Amazon, aurait été hacké par l’Arabie Saoudite via une conversation WhatsApp. Les deux experts des Nations-unies qui ont révélé cette affaire rocambolesque réclament “une enquête immédiate”. (Reuters)
La biotech française DNA Script a reçu, avec d’autres, un investissement du gouvernement américain. Le but de l’affaire : réussir à stocker des données dans l’ADN. (Le Monde)
La Quadrature du Net a déposé un recours en référé devant le tribunal administratif de Marseille afin de faire annuler l’installation d’outils de vidéosurveillance automatisée. (La Quadrature du Net)
Spécialiste de l’intelligence artificielle pour la Technology Review, Karen Hao décortique dans un thread la façon dont l’IA influence la relation entre la Chine et les Etats-Unis, et c’est super intéressant. (@_KarenHao)
Les comptes twitter de François Fillon et de Bruno Jeudy ont été piratés par la “cyber-armée turque”, parce que pourquoi pas. (BFM)
Le lapin canard fait complètement buguer l’API Cloud Vision de Google :
📰 Et à d’autres sujets :
Glenn Greenwald, l’un des journalistes qui a publié les révélations d’Edward Snowden, est visé par une accusation pour cybercriminalité au Brésil, où il réside. Il dénonce l’accusation comme une manoeuvre politique et une attaque envers la liberté d’informer, avec le soutien de ses collègues de The Intercept et de Snowden. (@AndrewDFish, Freedom of the press Foundation)
Le féminisme me fascinera probablement jusqu’à la fin de mes jours, car étudier la place des femmes dans les sociétés, cela revient toujours à en dresser un portrait particulier. Par exemple, saviez-vous que, si elle accable les femmes occidentales, la ménopause n’existe pas dans d’autres sociétés ? C’est ce qu’explique la sociologue Cécile Charlap dans une longue interview au Journal du CNRS. Cela m’a rappelé qu’il en va de même pour le syndrome pré-menstruel. (Le journal du CNRS, Slate)
P.S.
Un conseil culture
Brillante chroniqueuse sexualité pour Le Monde, Le Temps, GQ et j’en passe, Maïa Mazaurette sort deux livres : Le Sexe selon Maïa, et Sortir du trou, lever la tête. Elle fait le tour des médias pour les promouvoir, ce qui donne toujours des émissions intéressantes. Je vous recommande en particulier d’écouter Pas son genre, sur France Inter, ou elle est invitée aux côtés du paléoanthropologue Pascal Picq, et le dernier épisode du podcast Les Couilles sur la Table.
Maïa Mazaurette y décortique les idées reçues qui imprègnent la sexualité contemporaine : le sexe féminin, par exemple, n’est pas un creux, une dépression, un vide à remplir. Selon la chroniqueuse, une telle vision (qui oublie la chair, les muscles et le reste) réduit les horizons. Et cela participe à rendre la répétition de l’acte sexuel rapidement ennuyeux, voire, pour certain·es, douloureux. Aussi lie-t-elle l’évolution de la place des femmes comme des hommes dans la société à l’épanouissement d’une meilleure sexualité, pour tout le monde. Le tout avec un oeil résolument optimiste : nous ne sommes qu’au début de la réflexion, clame-t-elle dans chaque intervention.
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À vendredi,
— Mathilde