Hello,
Je rentre du festival de la BD, à Angoulême, aussi laissez-moi vous recommander quelques ouvrages dédiés à certains pans de nos vies numériques, ou de pure science-fiction :
Je ne te connais pas, Cristina Portolano (Rackham, 2019) raconte l’histoire d’une femme qui, après une rupture, explore sa sexualité grâce à Tinder. “C’est une histoire très féministe, qui s’intéresse aussi bien aux rapports entre les gens qu’à ce qu’y modifient certains réseaux sociaux” m’a déclaré l’autrice. Dans Je ne te connais pas, le parti pris est de dire que Tinder apporte une liberté, une facilité qu’il ne serait peut-être pas possible pour une femme d’avoir irl. Jolie étude d’un pan des rapports humains au XIXe siècle, et habile jeu entre ce rose pâle, traditionnellement associé à des thèmes “féminins” et une forme de douceur, et le sujet qu’il permet de traiter, plus cru.
L’Internet de la Haine, Emmi Nieminen, Johanna Vehkoo (Cambourakis, 2019) explore un tout autre versant de ce que font les plateformes en ligne aux rapports humains : la question du cyberharcèlement. Partant de plusieurs exemples réels de femmes (des journalistes, des militantes, des politiques, etc) visées par ce type de harcèlement infini, cette enquête journalistique décortique les mécanismes de la violence en ligne et les raisons pour lesquelles elle vise surtout les femmes et les minorités. Il apporte, aussi, quelques bons réflexes à avoir en amont et/ou pendant ce type d’attaque, pour en limiter les dégâts.
Bug, Enki Bilal (Casterman, 2017…). Dans cette série d’albums aux accents de thriller, Enki Bilal imagine un monde similaire au notre dans lequel, en 2041, Internet disparaît brusquement. S’ensuit un immense chaos, toute communication et tout échange économique sont bloqué, les personnes bénéficiant d’implants neuronaux ou chirurgicaux risquent la mort à tout moment… Et au milieu, Cameron Kobb, le seul à pouvoir encore utiliser des appareils numériques, est pourchassé par tous. Le tome 2 est sorti en 2019 - le 3 devrait bientôt être en cours d’écriture -, le dessin est vraiment splendide, et l’histoire, sombre, politique, et haletante.
Planeta Extra, Diego Arimbau, Gabriel Ippoliti (Sarbacane, 2020). Celui-ci est peut-être un peu hors catégorie : moins dans les nouvelles technologies, plus dans la science-fiction que les précédents. J’ai un peu plus de mal avec son dessin aussi. Le scénario, en revanche, me paraît super intelligent, notamment à cause du parallèle qu’il permet avec la situation argentine, d’où viennent l’auteur et l’illustrateur. En imaginant une planète plus ou moins ressemblante aux pays en développement, et une autre, Europe, une lune de Jupiter, vers laquelle émigre la population la plus aisée, les deux hommes mettent en place le cadre de leur intrigue. On y lit ensuite les magouilles d’un père pour empêcher sa fille d’émigrer, alors qu’elle s’apprête à épouser un habitant d’Europe. “Vous pouvez aussi lire Planeta Extra au prisme de la situation en France, soulignait Diego Arrimbau dans une conférence organisée à Angoulême. Car les problématiques de migration, d’attentats, de rupture entre les plus riches et les plus pauvres y sont tout aussi présentes.” Un exemple de la manière dont la science-fiction peut raconter le réel.
La Horde du Contrevent, Eric Henninot (Delcourt, 2017…) Adaptation du roman éponyme d’Alain Damasio, la Horde du Contrevent raconte la quête d’un groupe d’aventuriers vers l’Extrême-Amont de leur monde. Ils et elles veulent atteindre la source ce vent qui balaie sans fin leurs terres. Je sais que certaines lectrices de cette lettre n’ont pas du tout aimé, d’autres, au contraire, beaucoup apprécié. Mais il me semble que c’est le lot de toute adaptation : provoquer l’ire de certain·e·s, qui n’y retrouvent pas le monde imaginé grâce à l’oeuvre original. Cette série reste à mon sens une belle entrée dans l’univers créé par Damasio, notamment pour celles et ceux qui auraient la flemme de lire son roman (même si vraiment, vraiment, lisez-le ça vaut le coup !). Le tome 2 de la BD, “L’escadre frêle”, est sorti en novembre dernier.
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À vendredi,
— Mathilde